Aux États-Unis, le mystère de «la colonie perdue de Roanoke» perdure (2024)

ARCHÉOLOGIE - Un voile d'incertitude plane toujours autour de la disparition de l'une des premières colonies anglaise en Amérique du Nord, malgré quelques trouvailles encourageantes.

Août 1590. Le Gouverneur John White quitte à la hâte les embarcations anglaises qui viennent de le porter sur l'île de Roanoke, une langue de terre bercée par les eaux de la Baie de Pamlico, à la pointe la plus orientale de l'actuelle Caroline du Nord. Dans la rade, derrière lui, trois navires de guerre élisabéthains gorgés de provisions et de butins amassés après des mois de pillage le long des Amériques espagnoles. Devant lui, hélas, le néant. Aucune trace de la colonie bourgeonnante qu'il avait fondée trois ans auparavant, ni des 115 âmes - des familles entières - qu'il y avait laissées. Unique indice, un mot - Croatoan - gravé sur un poteau.

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Qu'est-il advenu de la colonie fondée par John White? En son absence, a-t-elle dépéri comme la colonie voisine fondée par son compatriote Ralph Lane? Une épidémie a-t-elle ravagé la population? Et que faire de cette inscription évoquant l'île voisine de Croatoan, l'actuelle île Hatteras?

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Deux pistes différentes

Les contours pour le moins flous de la disparition de cette petite colonie passionnent une partie des historiens américains. Elle occupe aussi nombre d'archéologues locaux dont les trouvailles alimentent des hypothèses, souvent contraires...

Il en va ainsi de l'équipe de Nick Luccketti qui, avec les bénévoles de la First Colony Foundation, cherche depuis plusieurs années à comprendre ce qu'il a bien pu se passer sur l'île de Roanoke entre 1587 et 1590. L'enquête, relancée en 2012 lors de la découverte de deux fortins biffés sur une carte de la même époque conservée au British Museum, a donné lieu à un long travail de recherche et de prospection de terrain. Huit ans et deux sites fouillés plus tard à proximité de l'ancien village indigène de Mettaquem, dans l'actuel comté de Bertie (Caroline du Nord), Nick Luccketti estime y avoir retrouvé l'endroit sur lequel se seraient repliés les colons de Roanok. Selon lui, les vestiges de poteries anglaises de la fin du XVIe siècle retrouvés en nombre semblent confirmer l'établissem*nt d'un habitat de longue durée sur ce site situé à 80 km de Roanoke, et qui aurait vu cohabiter colons anglais et indigènes. L'absence de la moindre pipe a même été avancée pour prouver l'antériorité du site par rapport à la colonie de Jamestown, fondée en 1607 quelques kilomètres plus au nord.

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Autant d'éléments qui sont loin de faire l’unanimité. «Je suis sceptique. Ils cherchent à prouver plutôt qu'à réfuter leur théorie, ce qui est la méthode scientifique», a commenté pour National Geographic Charles Ewen, archéologue à la East Carolina University. Même son de cloche pour Henry Wright, chercheur à l'Université de Michigan, qui note qu'aucune trace formelle d'un habitat d'époque élisabéthaine n'a pour l'instant été retrouvée durant ces fouilles.

Beaucoup plus près de Roanok, c'est sur l'île Hatteras - l'ancienne Croatoan mentionnée par John White - que s'active une autre équipe. Menée par l'archéologue britannique Mark Horton, avec le soutien des bénévoles de la Croatoan Archaeological Society, celle-ci a retrouvé quelques armes du XVIe siècle - une rapière et le fragment d'un pistolet à rouet - à l'emplacement d'un ancien village indien, accréditant selon lui l'hypothèse d'une migration proche des colons. Une proposition battue en brèche par Nick Luccketti pour qui des conditions environnementales défavorables rendent un tel peuplement improbable. Des arguments à leur tour réfutés, au regard des preuves historiques tel que le poteau gravé mentionné par White. «La colonie a littéralement écrit qu'elle a déménagé à Croatoan», résume au Virginian Pilot Scott Dawson, un des fondateurs de la Croatoan Archaeological Society.

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Les historiens sceptiques

Mais qu'importe: pour Mark Horton, aucune des hypothèses ne permet pour l'heure de parfaitement balayer l'autre, d'autant plus que la thèse d'une dispersion pure et simple des colons reste tout à fait envisageable.

Une piste finalement déjà privilégiée par un bon nombre d'historiens. «Les gens ne se perdent pas. Ils sont assassinés, ils sont enlevés, ils sont accueillis. Ils vivent et meurent en tant que membres d'autres communautés, rappelle dans le New York Times , Malinda Maynor Lowery, professeur à l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Les Indiens de Roanoke, Croatoan, Secotan et d'autres villages n'avaient aucune raison de se faire des ennemis des colons. Au lieu de cela, ils les ont probablement intégrés».

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Le sort de la centaine de colons anglais de l'île de Roanoke n'est par conséquent sans doute pas près d'être élucidé. Le mystère, et tout l'engouement touristique et associatif qui lui est associé, a encore de beaux jours devant lui.

Au fait, qu'est-il advenu du Gouverneur John White? Il n'est pas resté en Amérique. Si peu de détails de sa vie sont connus, il est au moins certain qu'il s'en retourna en Angleterre où il mourut, sans jamais revoir le Nouveau Monde.

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